À chacun son chocolat grâce à l’impression 3D

L’impression 3D se met au service de la production d’aliments plus savoureux et plus sains, composés en fonction de souhaits individuels. En collaboration avec l’EPF Zurich, la BFH met au point un nouveau procédé qui devrait ouvrir la voie à une utilisation industrielle.

Le secteur de la production alimentaire lorgne avec un intérêt grandissant l’impression 3D, un processus plein de promesses, qui permettra, par exemple, des productions individualisées présentant des textures spécifiques et des compositions variées. Plusieurs éléments font cependant encore obstacle à une implémentation de cette technologie à grande échelle dans l’industrie : il faut notamment disposer de débits plus importants, développer des substances alimentaires adaptées à l’impression et tenir compte des exigences élevées en matière d’hygiène.

Financé par BRIDGE, un programme conjoint du Fonds national suisse et d’Innosuisse, la BFH est associée à l’EPF Zurich pour développer des technologies de production additive rapide et industriellement viable d’aliments présentant des structures différenciées. C’est le domaine de la confiserie de chocolat qui a été choisi pour tester la mise en application. Un nouveau procédé de fabrication est censé permettre de faire l’économie des arômes – composant couteux – ou de réduire la quantité de sucre – composant indésirable d’un point de vue nutritionnel – sans pour autant compromettre la douceur perçue par les consommateurs et consommatrices.

Contrôle de la sensation du gout

L’exploitation du potentiel offert par le processus d’impression 3D pour optimiser les aliments passe par une compréhension profonde de la manifestation des sensations gustatives, dans laquelle la langue joue un rôle déterminant. En plus de sa fonction kinesthésique (sensation de mouvement) et de sa capacité à distinguer les composants des aliments, cet organe est en mesure de percevoir les saveurs sucrée, salée, amère, acide et umami. Cette fonction sensorielle repose sur l’interaction de divers récepteurs gustatifs, qui transmettent les signaux enregistrés par voie nerveuse aux régions supérieures du cerveau. Le concept de la carte du gout traduit une idée reçue, démentie scientifiquement, selon laquelle la langue serait divisée en zones spécialisées dans la perception de diverses saveurs primaires. Cette théorie enseigne, par exemple, que le gout sucré ne peut être ressenti que sur le bout de la langue. Or il est aujourd’hui démontré que les sensations gustatives se manifestent sur toutes les régions de la langue, mais que les sensibilités aux différentes sensations diffèrent selon la zone. Grâce au procédé additif de l’impression 3D, il est désormais possible d’appliquer des édulcorants et des arômes au chocolat de manière ciblée, en variant l’intensité. Cela permet de contrôler la perception du gout sur les différentes zones de la langue.

Les premières expériences réalisées montrent, par exemple, que la perception du sucré augmente lorsque les récepteurs gustatifs correspondants sont stimulés avec une intensité variable plutôt que constante. Placer les édulcorants de façon ciblée au moyen du procédé d’impression 3D permet donc de réduire la quantité d’édulcorants utilisés dans le chocolat, sans perte de sensation de douceur.

Extrusion et impression

Pour produire un chocolat ainsi « optimisé », il a fallu combiner divers composants, d’où le choix d’une approche d’impression 3D hybride. La pâte de chocolat constitue la base du produit. Pressée à travers une buse, celle-ci prend la forme souhaitée, qui demeure stable : il s’agit là d’un procédé exclusif. Pour une extrusion homogène et sans distorsion de la pâte, le chocolat doit présenter une teneur spécifique en cristaux, car c’est d’elle que dépend sa viscosité. Si le chocolat contient trop peu de cristaux, la buse ne se remplit pas de manière homogène et produit une forme irrégulière. Un trop grand nombre de cristaux se traduit par une résistance élevée : cela crée un tourbillon qui fait s’écouler la substance extrudée vers la droite ou vers la gauche. Grâce à ce nouveau procédé, la teneur en cristaux souhaitée est obtenue par des processus de thermostatisation et de cisaillement.

Après avoir appliqué le substrat sur un convoyeur à bande, des robots synchronisés fabriquent le chocolat selon un modèle numérique. Un robot équipé d’une pompe doseuse applique une masse mousseuse de beurre de cacao sur le moule à chocolat. Celle-ci apporte une saveur et une texture supplémentaires au produit. Un deuxième robot équipé de microbuses applique d’autres arômes et édulcorants sur le produit, selon la disposition souhaitée.

Produits individualisés

Le principal avantage de ce procédé est la grande flexibilité qu’il confère à la configuration du produit. Tant la géométrie de la forme de base que la structure et la disposition du beurre de cacao moussé et des arômes peuvent être rapidement adaptées. Il est ainsi possible de produire des chocolats différents, selon les exigences gustatives et nutritionnelles des consommateurs et consommatrices finaux, sur une seule et même ligne de production. L’adaptation de la « recette » peut avoir lieu à tout moment, sans interruption majeure des opérations. Le mode de fonctionnement synchronisé, associé au substrat extrudé, résulte en une vitesse de production accrue par rapport aux procédés d’impression 3D classiques.

Coauteurs :

  • Dr Christoph Denkel, professeur de Food Structure Design and Process Innovation, BFH
  • Dr Erich Windhab, professeur de Food Process Engineering à l’Institute for Food, Nutrition and Health à l’EPF Zurich

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Prof. Karl-Heinz Selbmann
Responsable de l’Institut de technologie de l’impression IDT, BFH