L’équipe de développement avec Armin Schmidt et Jannic Schären

Alerte en cas d’appel – localisation des téléphones mobiles dans les prisons

Les téléphones mobiles introduits illégalement dans les prisons constituent un risque majeur pour la sécurité. Un système développé à la BFH permet désormais de les localiser rapidement et facilement. Sa commercialisation n’est plus très loin.

Peu importe le pays, les téléphones mobiles ne sont généralement pas autorisés dans les prisons. Pourtant, les détenu-e-s parviennent toujours à s’en procurer. Les appareils sont introduits clandestinement par des personnes en visite ou du personnel corruptible, voire sont jetés par-dessus les murs de la prison par des complices. Dans la prison, ils constituent un risque majeur pour la sécurité. Il est fréquent que les détenu-e-s disposant d’une « ligne directe avec l’extérieur » poursuivent leurs activités criminelles. Des efforts importants doivent être déployés pour empêcher ces communications illégales. Aux États-Unis, des antennes-relais sont utilisées en prison et permettent d’intercepter en toute discrétion les conversations téléphoniques. Pour des raisons de protection des données, cela n’est pas possible en Europe. Les brouilleurs ne sont généralement pas adaptés non plus, car ils peuvent interférer avec les communications légales. Il ne reste plus que les systèmes passifs, comme les capteurs installés dans chaque cellule, qui détectent un téléphone mobile actif à proximité. Cependant, ils sont très couteux à installer et à entretenir, et ils peuvent être facilement découverts et mis hors service. Enfin, il existe des systèmes dotés de quelques capteurs répartis dans le bâtiment, qui n’indiquent toutefois que de manière très imprécise la provenance d’un appel téléphonique mobile.

Une localisation précise avec seulement dix capteurs

Les administrations pénitentiaires du monde entier attendent des solutions simples, économiques et efficaces pour localiser les téléphones mobiles et les autres dispositifs utilisés pour la transmission de données sans fil. L’institut d’optimisation et d’analyse des données IODA de la Haute école spécialisée bernoise a détecté très vite ce besoin. Un système développé à la BFH ces dernières années repose sur des capteurs ou des antennes capables de localiser les téléphones mobiles actifs sur toutes les fréquences. Leur simplicité d’installation est un gros avantage par rapport aux solutions habituelles. Le premier prototype pratique a été utilisé dans la prison Bellechasse du canton de Fribourg. Dix antennes seulement ont été installées sur la façade extérieure d’un bâtiment de quatre étages comptant une centaine de cellules et des locaux techniques. Lors des tests, la cellule dans laquelle se trouvait le téléphone mobile d’essai a pu être localisée avec précision dans 60 à 70 % des cas. Dans 90 % des localisations, il était à une cellule de distance au maximum.

Cette exactitude permet de réduire au minimum les efforts de recherche physique ultérieure du téléphone mobile.

Une toute nouvelle approche a été choisie pour déterminer avec précision la source d’un signal. Les ondes électromagnétiques se propagent à partir d’une position spécifique selon un schéma particulier, car elles sont déviées par les murs, les sols et les plafonds à l’intérieur du bâtiment. Il est ainsi possible de créer une « empreinte » électromagnétique pour chaque emplacement. Ce processus a lieu pendant la phase de formation ou d’apprentissage, au cours de laquelle des empreintes de référence sont relevées à divers endroits du bâtiment. Il suffit par exemple de pénétrer brièvement dans une cellule pour émettre un signal électromagnétique. L’algorithme de localisation enregistre la topologie du bâtiment à partir du modèle d’onde généré. Lorsqu’un-e détenu-e utilise ensuite un téléphone mobile, le système détecte la provenance du signal en le comparant aux empreintes de référence.

Soutien financier du programme Bridge dans la dernière ligne droite

Le système a prouvé qu’il fonctionne correctement lors de l’essai pilote, mais doit encore être optimisé avant sa commercialisation. Il faut notamment s’assurer que les ondes électromagnétiques provenant de l’environnement du bâtiment surveillé n’interfèrent pas avec la localisation intérieure. En outre, le système doit être très simple d’utilisation, pour que tout le personnel de surveillance puisse s’en servir sans connaissances techniques poussées. C’est l’objectif de la phase suivante du projet, qui durera environ un an et sera soutenue financièrement par le programme de recherche BRIDGE du Fonds national suisse (FNS) et de l’Agence suisse pour l’encouragement de l’innovation (Innosuisse). BRIDGE a pour objectif d’accélérer la mise en pratique des résultats de la recherche dans l’industrie et la société. Dans le cadre de l’offre d’encouragement Proof of Concept, le projet de la BFH s’est vu garantir une subvention pour financer le poste d’un ingénieur pendant un an et l’achat du matériel nécessaire.

Un marché au potentiel énorme

Selon les analyses de marché, la demande d’équipements de localisation intérieure des téléphones mobiles est élevée et pourrait représenter un volume de ventes allant jusqu’à 58 milliards de dollars. L’utilisation de cette technologie ne se limite pas aux prisons. Les entreprises et les organisations qui doivent restreindre l’utilisation des téléphones mobiles, car elles craignent l’espionnage industriel, pourraient également en profiter. Le suivi des téléphones mobiles permettant de localiser à tout moment son détenteur ou sa détentrice, par exemple le personnel de sécurité, est une autre application envisageable. Le système pourrait également aider à localiser les objets équipés d’un émetteur longue portée (LoRa), comme les lits qui changent fréquemment d’emplacement dans un hôpital. Pour cela, le système doit être adapté dans les années à venir.

Un éventuel partenaire de distribution a déjà fait part de son intérêt pour une commercialisation internationale. Dans un premier temps, le système sera utilisé dans d’autres prisons suisses, puis à l’étranger. Pour assurer la transition de la recherche et du développement vers la fabrication d’un produit commercialisable, la création d’une spin-off de la BFH apparait comme une évidence. La future entreprise a déjà un nom : InPercept (de l’anglais « percept », qui signifie « perception »).

Armin Schmidt
Assistant à l’institut d’optimisation et d’analyse des données IODA, BFH