Approvisionnement énergétique «qui respire» pour la transition énergétique

Sur le marché de l’électricité de demain, la consommation, la production et le stockage de l’énergie doivent en permanence être harmonisés. Grâce à une technique IoT intelligente, décentralisée et sûre, l’approvisionnement énergétique «qui respire» d’aliunid gère ce procédé complexe, permettant ainsi de faire la transition vers les énergies solaire et éolienne.

DAndreas Danuser, professeur en sciences de l’informatique, BFH

La stratégie énergétique 2050 de la Suisse poursuit des objectifs ambitieux: d’ici à 2050, la sortie du nucléaire devrait être actée et les combustibles fossiles éliminés, ce qui revient à renoncer à 80% de nos agents énergétiques actuels. Dans le secteur de l’électricité, la Suisse n’a pas de souci à se faire: elle dispose de ressources hydroélectriques considérables. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les besoins en électricité vont faire un bond, notamment en raison de la progression de l’e-mobilité et de la numérisation. En principe, les installations solaires et éoliennes seront en mesure de couvrir la demande. Mais il y a tout de même un «hic»: le soleil et le vent sont des agents énergétiques stochastiques, c’est-à-dire peu fiables. L’énergie est produite lorsque le soleil brille et que le vent souffle, mais pas forcément lorsqu’on en a besoin. Si la quantité d’électricité injectée est bien plus basse que la demande, le réseau électrique devient instable, avec pour conséquence un black-out.

L’approvisionnement écologique en électricité doit impérativement garantir un équilibre entre l’offre et la demande, notamment en stockant l’énergie excédentaire et en comblant les éventuelles lacunes. Cette coordination doit prendre en considération tous les niveaux de la chaine d’approvisionnement, de la centrale à accumulation dans les Alpes à la prise de courant en passant par l’installation photovoltaïque privée. L’entreprise numérique d’approvisionnement en énergie aliunid (comprenez: «all you need»), qui œuvre en partenariat étroit avec la BFH, montre la voie à suivre pour relever ce défi. Comme c’est le cas pour la stratégie énergétique 2050, l’activité d’aliunid ne gravite pas autour des producteurs d’énergie traditionnels, qui distribuent l’électricité produite dans de grandes centrales aux consommateurs finaux selon une approche top-down. Le point de départ de sa démarche bottom-up sont les consommateurs producteurs d’électricité (solaire), aussi appelés prosumers, ainsi que les fournisseurs d’électricité régionaux.

L’objectif: un approvisionnement intégré en électricité

Le concept d’aliunid consiste à mettre en place un approvisionnement en électricité intégrant à la fois les prosumers et les grands producteurs et distributeurs d’électricité. Autrement dit, aliunid souhaite unir le marché de flexibilité décentralisé et le marché de flexibilité centralisé. Pour y parvenir, l’offre et la demande doivent être mesurées et gérées avec un degré de détail sans précédent. Le procédé est le suivant: un mini-ordinateur enregistre à chaque seconde les données énergétiques du ménage connecté (la production de l’installation photovoltaïque, le niveau de chargement de la batterie de la Tesla, les besoins en énergie de la cuisinière, du lave-linge, du chauffage et de l’éclairage). Toutes les cinq secondes, l’ordinateur envoie quatre informations au niveau supérieur (p. ex. au quartier): la production et la consommation d’électricité ainsi que les capacités disponibles de partage ou de réception d’électricité. C’est à ce moment qu’intervient la gestion: si les voisins produisent plus qu’ils ne consomment, la maison capte (ou «inspire») l’excédent; la batterie de la Tesla se met en charge et le lave-linge se met en route. En revanche, si dans le ménage, ce n’est pas jour de lessive et que la Tesla est chargée, ce sont les voisins qui peuvent se servir de l’excédent. Le ménage déverse (ou «expire») de l’énergie.

aliunid applique ce même principe pour créer un équilibre entre les quartiers, les villes, les régions et les pays. Au niveau le plus élevé, les centrales de pompage-turbinage synchronisent l’offre et la demande. Leur fonctionnement est néanmoins trop rigide pour permettre un rééquilibrage permanent sur le marché de flexibilité décentralisé. Ce qu’il faut, c’est être en mesure de gérer de façon flexible les variations de charge et les capacités de stockage à tous les niveaux du réseau de distribution, jusqu’à la mise en route ou l’arrêt du lave-linge. C’est ce que propose aliunid.

Test de terrain d’une technologie cloud sécurisée

Les services d’aliunid ne se fondent pas sur un ordinateur central, mais sur la plateforme SIOT (Swiss Internet of Things) initialement conçue à la BFH, une technologie cloud 100% suisse reposant sur une approche «en essaim». C’est par ce biais que s’opèrent les échanges de données et la gestion des charges. Au sein de la start-up aliunid, la BFH est la partenaire pour la plateforme d’information basée sur l’IOT. D’importants mandats de recherche pour la haute école concernent notamment la cybersécurité et la protection des données. L’approvisionnement «qui respire» est tributaire de nombreuses informations provenant des ménages, et le client final n’accordera sa confiance à aliunid qu’une fois certain que le risque d’abus est écarté.

Une année après les premières réflexions, aliunid a lancé des essais sur le terrain avec le soutien de l’Office fédéral de l’énergie. Outre trois grands producteurs d’énergie hydraulique, quinze fournisseurs d’énergie de taille moyenne et près de 400 ménages (probablement 2000 à fin 2020) participent à ce galop d’essai. La commercialisation est prévue en 2021. L’EPF Zurich, l’Empa, la HES-SO Valais-Wallis et la BFH sont elles aussi de la partie. Cette dernière apporte une grande expérience dans le développement d’applications commercialisables à partir de nouvelles technologies.

Économies d’énergie et réduction des émissions de CO 2

Afin que l’approvisionnement énergétique «qui respire» soit accueilli favorablement, aliunid développe une application mobile conviviale mettant à disposition des prosumers des informations passionnantes en temps réel: leur production d’électricité, leur consommation, le cout de cette électricité et – principal facteur d’influence de l’empreinte écologique – la charge de CO2 de l’énergie qu’ils consomment. Cette dernière valeur dépend fortement de l’heure, du jour et de la saison. Ces informations doivent inciter à optimiser la consommation d’électricité et à améliorer l’efficacité énergétique personnelle. La première étape dans cette direction est un objectif d’économie d’énergie de 10%. Les clients profitent par ailleurs grandement de la connectivité de l’app avec les solutions de maison intelligente permettant de gérer l’éclairage et le chauffage de manière énergétiquement optimisée, avec les systèmes de surveillance et avec bien d’autres choses.

Sans l’Internet of Things, la gestion décentralisée, flexible et en temps réel de volumes de données considérables, telle que l’exige l’approvisionnement énergétique «qui respire», ne serait pas réalisable. Grâce à son immense compétence dans ce secteur, la BFH contribue abondamment à la mise en place d’un approvisionnement énergétique exempt de carbone, durable et rentable en Suisse.

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