Des électrodes de stimulation cardiaque correctement placés

L’implantation de stimulateurs cardiaques peut donner lieu à des erreurs de placement et des complications, car les médecins n’ont que des images en deux dimensions à disposition. Une équipe de recherche de l’Institut Human Centered Engineering HuCE de la BFH met au point un nouveau système permettant une visualisation 3D en temps réel.

Les stimulateurs cardiaques constituent l’une des avancées médicales majeures de ces dernières décennies. Ils permettent de sauver de nombreuses vies, voire de la prolonger. Ils sont généralement utilisés en cas de troubles du rythme cardiaque, soit lorsque le cœur bat trop lentement ou de façon irrégulière. Les dispositifs sont implantés sous la clavicule, directement sous la peau ou sous le muscle pectoral. Ils sont équipés de longs fils, les électrodes, qui cheminent à l’intérieur d’une grosse veine jusqu’au cœur. Là, ils mesurent l’activité du muscle cardiaque et, si nécessaire, envoient des impulsions électriques pour le stimuler.

Actuellement, dans environ 30% des cas, les électrodes sont placées avec une précision insuffisante. Environ une implantation sur dix se solde ainsi par des complications graves. En cause: les technologies d’imagerie actuelles, qui ne peuvent représenter la position des électrodes qu’en 2D pendant l’opération. La profondeur spatiale, qui aiderait les médecins à placer les électrodes avec précision, fait défaut. Cela complique et prolonge les opérations, car il faut chercher les bonnes positions et les tester. L’Institute for Human Centered Engineering HuCE de la Haute école spécialisée bernoise BFH travaille sur un nouveau système depuis dix ans. Son objectif: permettre une visualisation en 3D en temps réel pendant les implantations de stimulateur cardiaque. Emily Thompson collabore depuis six ans à ce projet soutenu par le Fonds national suisse (FNS) et Innosuisse, depuis deux ans à titre de responsable de projet. Elle a obtenu un Bachelor of Science in Bioengineering à l’Université de San Diego, en Californie, et un Master of Science in Biomedical Engineering avec une spécialisation en implants électroniques à l’Université de Berne.

Des tests concluants

Le projet arrive presque à son terme: le système d’ECG œsophagien (esoECG) développé se compose du cathéter esoECG-3D et du logiciel d’analyse esoLive. Le cathéter est introduit par l’œsophage pendant l’opération. En même temps, les électrodes du stimulateur cardiaque envoient des signaux électriques à partir de différents points, ce qui permet au logiciel de créer en temps réel une image 3D de la région du cœur correspondante avec une précision de 1 cm3. Cela suffit pour un placement précis des stimulateurs cardiaques.

Ces deux dernières années, le système a été testé sur environ 60 patient-e-s dans le cadre d’une collaboration avec l’Hôpital de l’Île, à Berne, et les hôpitaux de Soleure (Solothurner Spitäler AG). L’équipe de recherche a notamment étudié la précision des algorithmes de localisation des électrodes. Les résultats sont bons: les stimulations dans le cœur ont pu être localisées avec précision. Il y a donc de bonnes chances pour que le système améliore la mise en place des stimulateurs cardiaques et réduise la durée des interventions. Le système esoECG-3D doit être testé sur d’autres patient-e-s. En outre, l’équipe de recherche de la BFH souhaite améliorer en permanence la convivialité du système pour les cardiologues. En même temps, elle prépare l’entrée de celui-ci sur le marché: une start-up sera créée à cet effet en automne 2022.

Introduction prévue dans deux ans

Les analyses de marché sont prometteuses : il existe certes des modèles concurrents qui disposent déjà aujourd’hui de technologies d’imagerie 3D. Mais ils ne fournissent pas les images en temps réel ou disposent de cathéters en plastique d’un diamètre relativement important qui, contrairement au système esoECG-3D de la BFH, rendent impossible une intervention non invasive.

Le marché offre d’importants débouchés potentiels: chaque année, près de 6000 nouveaux stimulateurs cardiaques sont implantés rien qu’en Suisse, environ 500’000 dans l’Union européenne et plus de 300’000 aux États-Unis. Le système esoECG-3D sera d’abord lancé en Suisse, selon les prévisions. On ne sait pas encore s’il sera suivi d’un lancement sur les marchés européen et américain. Avant cela, le système doit encore franchir une étape complexe: la procédure d’autorisation de mise sur le marché de Swissmedic. L’autorité d’autorisation et de contrôle des produits thérapeutiques doit notamment tester le fonctionnement technique et la biocompatibilité du nouveau système de la BFH, dont l’introduction en Suisse est prévue pour fin 2024.

Des pionniers suédois

Arne Larsson était mal en point. L’ancien joueur de l’équipe nationale de hockey sur glace suédoise ne pouvait presque plus marcher. Il perdait sans cesse connaissance. Son cœur s’arrêtait jusqu’à 30 fois par jour et sa femme devait chaque fois le réanimer d’une pression sur la poitrine. La première implantation d’un stimulateur cardiaque remonte à 1958, lors d’une opération d’urgence tenue alors secrète, placée sous la houlette du médecin suédois Åke Senning. Il avait développé l’appareil avec un ingénieur, Rune Elmqvist.

Le premier stimulateur cardiaque date quant à lui de 1952. Il avait la taille d’un téléviseur à tube cathodique et les patients devaient le pousser devant eux, comme un caddie. Au cours des années qui ont suivi, l’invention de petites piles et de transistors fiables a permis de réduire la taille des stimulateurs cardiaques, qui purent être portés autour du cou, comme un collier, dès 1957. La même année, Rune Elmqvist commença à travailler sur le premier stimulateur cardiaque entièrement implantable.

Arne Larsson s’est fait implanter 25 autres stimulateurs cardiaques jusqu’à sa mort, 43 ans après la première implantation. Son décès n’avait aucun lien avec ses problèmes cardiaques ou son pacemaker.

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Emily Thompson
Collaboratrice scientifique à l’Institute for Human Centered Engineering HuCE, BFH