
Des meubles en noix de coco
NaturLoop, une spin-off issue de la BFH, fabrique du mobilier durable à partir de résidus provenant de la récolte des noix de coco. Un premier site de production devrait bientôt ouvrir ses portes aux Philippines.
La superficie de l’Angleterre ! Autrement dit : plus de trois fois la Suisse. C’est la surface de forêt tropicale qui a été détruite en 2019, selon le projet Global Forest Watch. Depuis les années 1960, plus de la moitié de celle-ci a été anéantie à l’échelle mondiale : la plupart du temps, elle a été transformée en prairies ou en surfaces agricoles par défrichement et par brulis. Or, ce sont là de mauvaises nouvelles pour la protection du climat et de la biodiversité, car les forêts pluviales – dignes de protection en raison de la richesse de leurs espèces – stockent aussi de grandes quantités de CO2, qui correspondent environ au tiers des émissions de gaz à effet de serre causées par l’homme.
Gaspillage de ressources naturelles
Pour de nombreux pays, cela pose également d’autres problèmes. Afin de préserver les ressources naturelles encore intactes, on a par exemple édicté des interdictions de défricher. La faible disponibilité du bois a non seulement fait grimper les prix, elle a aussi rendu ces pays très dépendants de leurs importations de matériaux issus du bois. La situation est particulièrement problématique aux Philippines : ce pays d’Asie du Sud-Est où vivent près de 110 millions de personnes est constitué de plus de 7000 iles. Or, avec l’Indonésie et l’Inde, les Philippines produisent plus de 75 % de la consommation mondiale de noix de coco. Au total, 21 millions de tonnes de coques de ces noix sont ainsi produites chaque année, dont 5 millions rien qu’aux Philippines. La plus grande partie de ces déchets est mise en décharge ou incinérée, ce qui constitue un gaspillage de ressources naturelles considérable.
Aux Philippines, il est difficile de trouver des meubles ou des matériaux de construction à un prix abordable. Les fibres de coques de noix de coco, en revanche, sont disponibles en grandes quantités. C’est la raison pour laquelle, en 2014, la fondation d’utilité publique du producteur d’outils liechtensteinois Hilti a pris contact avec l’Institut des matériaux et de la technologie du bois IWH de la Haute école spécialisée bernoise BFH. Sa question : ne pourrait-on pas produire des matériaux de construction bon marché et durable à partir de fibres de coco ?
Michail Kyriazopoulos fait partie des personnes qui se sont mises au travail dans le cadre du projet de recherche né de cette requête. « Le but était de mettre au point une solution permettant de remplacer les matériaux de construction usuels par un produit local, bon marché, durable et 100 % naturel », explique l’ancien étudiant de la filière de Master in Wood Technology de la BFH. Aujourd’hui, M. Kyriazopoulos est le directeur technique de l’entreprise NaturLoop, qu’il a contribué à fonder. Fin 2022, cette spin-off issue de la BFH compte produire le Cocoboard® en série et le mettre sur le marché aux Philippines.

Des adhésifs issus du bois
L’entreprise est effectivement parvenue à mettre au point un matériau de construction naturel et durable. Les fibres des coques des noix sont réduites en poudre, puis chauffées et pressées. Une colle naturelle, également développée à la BFH, est encore ajoutée à cette matière première : elle la lie et la consolide, tout en réduisant l’énergie requise pour la chauffer et pour la presser. Elle est constituée de tanins obtenus par simple extraction à l’eau chaude à partir de bois tel que celui des arbustes de mimosa. Contrairement aux adhésifs usuels, elle ne contient donc pas de formaldéhyde, une substance nocive pour la santé. Actuellement, tous les tanins utilisés aux Philippines sont importés d’Afrique du Sud. Un autre projet de l’IWH cherche à déterminer comment on pourrait en produire sur place à partir d’écorces, de branches, de racines, de coques et de peaux de fruits. Cela améliorerait encore l’écobilan des Cocoboard® et contribuerait à élargir les bases de subsistance de la population paysanne.
Les Cocoboard® ont des propriétés physiques et mécaniques comparables à celles des panneaux de fibres à densité moyenne (MDF). Aux Philippines, ce produit doit servir avant tout à la construction de meubles (étagères, armoires, tables). Il ne peut pas être utilisé pour des éléments porteurs, mais on peut aussi en revêtir des parois ou des plafonds. Pour l’instant, la jeune entreprise ne propose que le Cocoboard® dans sa version brute ou laminée. À plus long terme, des éléments d’isolation acoustique ou thermique pourraient aussi entrer dans l’assortiment.
Bien que sa création soit encore récente, la spin-off issue de la BFH peut déjà se vanter d’un nombre considérable de succès. L’ancien projet de recherche a été soutenu par le programme Bridge Proof of Concept et a également bénéficié des conseils d’Innosuisse pour la création de jeunes entreprises. En outre, NaturLoop a obtenu l’appui de Switzerland Innovation Tech4Impact en automne 2020, ainsi qu’un soutien financier et entrepreneurial de Venture Kick au printemps 2021.
« Une BFH très arrangeante »
« Entre le développement du Cocoboard® et sa production arrivée à maturité, la BFH a aussi fourni une aide précieuse », précise Daniel Dinizo, cofondateur et directeur de NaturLoop, qui suit actuellement la filière de Master in Wood Technology à la BFH. « L’infrastructure très performante du laboratoire de l’école, en particulier, nous a été très utile. De même pour ce qui est d’accéder au réseau d'expert-e-s du secteur et de client-e-s potentiels. » Le responsable de l’IWH, Frédéric Pichelin, se réjouit pour sa part que les connaissances issues du projet soient encore perfectionnées par d’anciens élèves et collaborateurs scientifiques au sein d’une jeune entreprise provenant de la BFH : « Nous les encourageons et les soutenons activement dans la création d’entreprise et dans la réalisation de leurs visions et de leurs buts. »
La spin-off mène actuellement une série d’essais industriels afin de finaliser sa technologie de production. En 2022, il s’agira de garantir l’acquisition du matériau brut et de définir le processus logistique correspondant sur place. NaturLoop prévoit de mettre en service le premier site de production aux Philippines à la fin 2022. « Nous misons sur un volume de production annuel de 30 000 mètres cubes lorsque l’usine aura atteint sa pleine capacité », précise Daniel Dinizo. À plus long terme, d’autres sites de production sont prévus. Les itinéraires de transport depuis l’usine ne doivent en effet pas dépasser 60 kilomètres : NaturLoop joue entièrement la carte de l’économie durable.
Remise des prix Stage Up : NaturLoop parmi les cinq meilleurs
- NaturLoop et quatre autres jeunes entreprises se sont imposées face à 50 concurrents et ont été nominées pour le prix Stage Up. Ce concours est organisé par l’Entrepreneurship Center de l’Université de Berne, en partenariat avec la BFH.