
En quoi consiste la « nouveauté » du concept de New Work?
Peu de choses nous absorbent autant que notre travail. Nous en parlons tous les jours, mais nous en savons peu sur la forme qu’il prendra à l’avenir. Le «New Work» est sur toutes les lèvres, mais nous n’avons pas fini de chercher à savoir à quoi ressemblera demain.
Prof. Dr Sebastian Wörwag, recteur de la Haute école spécialisée bernoise BFH
Depuis toujours, notre perception du travail est soumise à des mutations constantes. Alors que dans les sociétés prémodernes, nous cherchions à nous libérer du fardeau et des souffrances liées au labeur, la signification qu’on lui accorde aujourd’hui remonte le plus souvent à l’époque de l’industrialisation. Sa caractéristique essentielle réside dans la rationalisation économique de la main-d’œuvre et une colonisation complète de l’existence par l’activité professionnelle. Depuis une cinquantaine d’années, les valeurs et les évolutions nouvelles et fondamentales dans le monde du travail sont résumées sous le terme générique de « New Work ». Si la notion n’est plus tout à fait « new », la tendance est en revanche bien d’actualité : travail axé sur le sujet, autodéterminé et porteur de sens. Ces évolutions sont la marque d’un changement de valeurs sociales, mais elles s’inscrivent aussi dans le contexte de profondes transformations des marchés du travail modernes. Tout semble en mouvement et il est difficile de faire des prédictions fiables. La question se fait chaque jour plus palpable : qui travaillera comment, où, quand et pour faire quoi à l’avenir ?
Le New Work dans les stratégies de travail globales
Ce changement se révèle également frappant dans les récentes stratégies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de marché du travail élaborées à partir de 2016. En examinant son programme de développement pour notre avenir, on découvre ce qui se rapporte au New Work dans la société dans son ensemble : à l’avenir, les questions relatives aux conséquences de la numérisation, de l’évolution technologique et de l’internationalisation du travail figureront au premier plan. Développer et maintenir ses compétences dans le contexte d’un apprentissage tout au long de la vie, notamment en se formant sur son lieu de travail, prendra également de plus en plus d’importance. Il sera également nécessaire de mettre en place des principes d’acquisition et de mise à jour de compétences des personnes en dehors du marché du travail ainsi que dans les branches et les secteurs soumis à de fortes mutations structurelles. En outre, nous avons besoin de concepts et de bonnes pratiques pour créer et maintenir des lieux de travail sains et sûrs. Les liens entre l’activité professionnelle, la santé et la productivité sont particulièrement intéressants. Dans le contexte de l’évolution disruptive des marchés du travail, l’appel à des rapports de travail flexibles et résilients se fait également plus fort, sachant notamment que la flexibilité gagnera en importance à l’avenir. Enfin, l’OCDE appelle à de nouveaux concepts d’inclusion pour le marché du travail permettant de mieux développer les potentiels de diversité. Ces exigences pour l’avenir peuvent nous servir à définir les développements que nous réserve le New Work à un niveau global.
Ce que nous attendons du New Work à titre individuel
Cependant, on constate également un changement d’attitude à l’égard du New Work à l’échelle individuelle des personnes actives. Dans notre propre étude (Wörwag and Cloots 2019) portant sur près de 1000 salarié-e-s, nous nous sommes penchés sur les développements qui façonneront le travail à l’avenir. On n’est guère surpris d’apprendre que quatre employé-e-s sur cinq s’attendent à ce que la numérisation modifie considérablement leur activité. Il est toutefois intéressant de noter que la transition numérique fait davantage prendre conscience d’une nouvelle ère d’automatisation numérique qu’elle ne suscite de peurs : actuellement, 13 % des personnes actives supposent que leur emploi actuel sera supprimé au profit des technologies modernes dans les cinq prochaines années, alors que plus de la moitié des salarié-e-s escomptent une forte vague d’automatisation numérique. Près de deux tiers des salarié-e-s associent cette situation à une pression croissante sur les performances. Ainsi, au lieu de s’attendre principalement à voir leur activité simplifiée et allégée grâce à la numérisation, de nombreux employé-e-s craignent d’être mis davantage sous pression, de voir leurs tâches plus orientées vers les projets et également plus fragmentées, et le rythme globalement s’accélérer. On ferait fausse route en imaginant que ces attentes émanent surtout de salarié-e-s plus âgés. En effet, ce sont surtout les jeunes professionnel-le-s de moins de 30 ans qui entrevoient une automatisation croissante et une plus grande pression de la concurrence et du rendement. En dépit de l’évidente omniprésence du numérique, les natifs du numérique (« Digital Natives ») semblent également souhaiter un avenir professionnel moins dominé par l’informatique et à nouveau plus humain. Faisons-nous face à un contrecoup de la numérisation ?
La contribution de la Haute école spécialisée bernoise
Les exemples le montrent : le New Work nous réserve bien des surprises, et indique que nos préjugés et nos hypothèses peuvent souvent prendre la mauvaise direction. Il est nécessaire de mener des recherches solides et davantage axées sur les applications pour pouvoir appréhender les changements dans le monde du travail de manière fondée et développer prudemment les concepts d’un New Work humanisé pour la prochaine génération. C’est ce à quoi s’engage la Haute école spécialisée bernoise. L’Institut New Work mène ses recherches de concert avec d’autres instituts de la BFH et le monde professionnel, par exemple, notamment sur les nouvelles formes de travail et d’organisation dans le contexte de la transition numérique et sur le thème de la « diversité et de l’inclusion ». Le New Work, mais également la recherche consacrée au New Work, suscitent toujours davantage de coopérations interdisciplinaires. C’est pourquoi la Haute école spécialisée bernoise s’appuie sur des équipes de recherche interdisciplinaires quand il s’agit par exemple d’examiner quel soutien la technologie peut apporter à l’être humain dans son activité professionnelle. Le projet « Cobotique, compétences numériques et réhumanisation des places de travail », qui s’intéresse à l’influence des robots industriels collaboratifs (dénommés cobots) sur l’expérience de travail des humains, est à cet égard très représentatif (Degallier Rochat 2020). L’Institute for Human Centered Engineering HuCE et l’Institut New Work INW de la BFH sont associés à ce projet.
Ces exemples prouvent que le New Work est aujourd’hui sur toutes les lèvres. La BFH ne se contente pas d’en parler mais s’engage en faveur d’un travail axé sur le sujet, autodéterminé et porteur de sens pour les générations futures.
Publication bibliography
- Degallier Rochat, Sarah (2020): A future that works. Kobotik, digitale Kompetenzen und die Re-Humanisierung des Arbeitsplatzes. Edited by Berner Fachhochschule. Available online at www.bfh.ch/de/forschung/referenzprojekte/a-future-that-works/, checked on 12/29/2020.
- OECD (2016): Ministerial statement building more resilient and inclusive labour markets. Paris. Available online at www.oecd.org/employment/ministerial/labour-ministerial-statement-2016.pdf, updated on 1/15/2016, checked on 12/29/2020.
- Wörwag, Sebastian; Cloots, Alexandra (éd.) (2019): Zukunft der Arbeit – Perspektive Mensch. Aktuelle Forschungserkenntnisse und Good Practices. 2e édition actualisée 2019. Wiesbaden: Springer Gabler.