
La microtechnique dans la restauration des tableaux
Les grilles d’adhésifs sont considérées comme une alternative prometteuse aux techniques de refixage/collage traditionnelles dans la conservation et la restauration des tableaux. Les dimensions des grilles sont de quelques centaines de micromètres. Il serait donc possible d’utiliser des processus reconnus issus de la microtechnique pour les fabriquer.
La conservation et la restauration responsables d’œuvres d’art uniques reposent sur trois critères clés: une intervention minimale, une résistance au vieillissement d’au moins 50 ans et une réversibilité aussi grande que possible des matériaux ajoutés. Les adhésifs conventionnels ne répondent pas à ces critères pour le collage ou le refixage de toile sur des tableaux. Lorsqu’une toile est très ancienne ou fortement endommagée, il est parfois nécessaire de la renforcer en la consolidant à l’aide d’un textile de soutien et d’un adhésif. Avec les colles thermofusibles courantes, qui sont traitées à 65-90°C, il y a un risque de détérioration dû à la chaleur et de déformation de la couche de peinture. Les adhésifs liquides ne conviennent pas non plus, car ils entrainent un apport de colle élevé, une forte pénétration et par conséquent un raidissement des peintures. De nouvelles méthodes pour coller la toile font donc l’objet de recherches.
Nouvelles approches dans la restauration des tableau
Une approche innovante consiste donc à remplacer les colles/adhésifs traditionnels par des grilles d’adhésifs (voir fig.1). Les grilles d’adhésifs sont des filets microstructurés de colles pures et résistantes au vieillissement telles que la colle protéique, l’éther de cellulose et l’acrylate. Le design et l’application sont spécialement adaptés pour contrecoller efficacement et en douceur des peintures sur toile. Pour cela les grilles d’adhésifs sèches sont placées entre deux toiles ou autres couches à coller et activées ensuite avec un peu de solvant ou de chaleur, avant que l’on colle un textile de soutien. Contrairement à l’application traditionnelle des colles sous forme liquide, les grilles activées par gel restent à la surface du textile et ne pénètrent pas dans les matériaux poreux. Des adhésifs inoffensifs peuvent ainsi être contrôlés et utilisés efficacement.
Cette technique a déjà été utilisée avec succès sur plusieurs tableaux. Pour obtenir de bons résultats, les dimensions du grillage doivent être de l’ordre de quelques centaines de micromètres. Les structures de grille carrées utilisées actuellement vont être remplacées par des structures hexagonales, avantageuses en termes de production et d’application. La fabrication des grilles d’adhésifs est à l’étude dans le cadre du projet Klebstoffgitter für die restauratorische Verklebung von Leinwandgemälden (BFH-HKB et APM Technica AG, financement: Innosuisse).

Le défi de la fabrication de grilles
Pour la fabrication, les solutions adhésives sont actuellement calandrées dans un moule en polydiméthylsiloxane (PDMS), séchées puis retirées (voir fig. 2). La microstructuration du moule PDMS suffisamment précise et avec arêtes vives représente un défi, mais c’est la seule façon de détacher l’adhésif solidifié sans dégâts.
L’Institute for Applied Laser, Photonics and Surface Technologies ALPS produit des microstructures de polymères de dimensions comparables à celles des grilles d’adhésifs. Ces systèmes microfluidiques ont des canaux d’une largeur et d’une hauteur typiques de quelques centaines de micromètres. Pour produire des grilles d’adhésifs, il est par conséquent logique de recourir aux procédés utilisés pour la fabrication de systèmes microfluidiques.
La production est basée sur des processus photolithographiques et chimiques humides. La photolaque SU-8, un polymère photosensible liquide, est appliquée sur un substrat, par exemple une plaquette en silicone, et solidifiée thermiquement. Un processus d’exposition UV à travers un photomasque transfère la géométrie souhaitée dans le polymère et les étapes de développement chimiques humides permettent d’obtenir une structure-maitre à partir de SU-8 (fig. 3 à gauche). Dans une étape suivante du processus, cette structure-maitre permet de couler et de solidifier des structures PDMS (fig. 3 à droite). L’insert de la Fig. 3 montre un fragment des structures hexagonales SU-8. Les largeurs de bande sont de 300 micromètres, les hauteurs de 350 micromètres.
Grâce à la mise à disposition de moules modèles, APM Technica AG est en mesure de tester le processus long et couteux avant de passer de grosses commandes aux sites de production industrielle. Actuellement, les structures produites par lithographie par ALPS montrent les meilleurs résultats dans le processus expérimental en raison de leur haute précision par rapport aux autres techniques microstructurées comme l’impression 3D.
Collaboration entre les départements
Les activités entre les chercheurs des départements TI (Johannes Hörr et Patrick Schwaller, Institut ALPS) et HKB (Karolina Soppa et Mona Konietzny, division Conservation et Restauration, Research Focus: Materiality in Art and Culture) ont commencé par un échange informel entre les deux domaines de recherche. Cette coopération montre de manière exemplaire comment la diversité – parfois critiquée – de la BFH peut aboutir simplement et efficacement à de nouvelles approches. Grâce à l’association des différents domaines de compétence, des synergies permettant des solutions encore plus ciblées ont vu le jour.
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