Le climat détermine le plan de construction

Les sciences de l’ingénieur se fondent sur des données et sur des faits. Ce qui ne peut être prouvé n’est pas reconnu. Mais d’où viennent donc les données et les faits qui permettent de valider l’économie circulaire et le développement durable ? La réponse à cette question est simple : c’est la numérisation qui fournit les informations requises, qu’il s’agisse des émissions de CO2, de l’énergie grise, des surfaces de référence, des sources de matières premières, des voies de transports, des critères de durabilité ou des facteurs de confort.

La numérisation ne fournit pas seulement les données de base, elle permet aussi de simuler la réalité à l’aide de scénarios. Comment la construction se déroule-t-elle ? Comment les personnes s’y déplacent-elles ? Que se passe-t-il en cas d’incendie ? Quel niveau la température estivale atteint-elle en ville ? Où se situent les zones de détente ? Et les zones d’activité ? Toutes ces réalités peuvent être simulées à l’aide du jumeau numérique.

Le périmètre pris en compte est dès lors le cycle de vie, ce qui exige un changement de paradigme dans la planification, la construction et l’utilisation. En tant qu’approche méthodologique, la transition numérique constitue un processus évolutif. Cela nécessite une démarche systémique et systématique, à laquelle s’ajoute le Building Information Modelling (BIM). Le développement durable devient ainsi mesurable, prévisible et contrôlable – indépendamment de la méthode appliquée ou de ce qui doit être présenté. Que l’on choisisse le standard Construction durable suisse (SNBS) ou la boussole de durabilité, que l’on mesure les gaz à effet de serre ou seulement le CO2, le jumeau numérique fournit les données adéquates.

Une démarche commune en guise de stratégie durable

L’année 2021 a vu de nombreuses évolutions positives en matière de construction numérisée. Dans le monde entier, la méthode BIM n’est plus contestée. Afin de parvenir à une unité de doctrine, un plan en six points a été formulé lors des BIM Industry Days organisés par les CFF. Ce plan prévoit ce qui suit :

  • la même approche : feuille de route et vision commune ; 
  • la même compréhension : langue commune (glossaire);  
  • la même structure de données : modèle de données commun;  
  • la même façon de modéliser : bibliothèque d’objets commune ; 
  • la même façon d’examiner : cas d’usage communs ;
  • la même façon de commander : bases de commande communes.

La formulation des cas d’application communs est appelée « gestion des cas d’usage » : il s’agit d’une approche méthodologique systémique et systématique, qui a été mise au point en Suisse et est utilisée de nos jours par buildingSMART sur le plan international. Le BIM permet au secteur helvétique de la construction de respecter le plan d’action Suisse numérique du Conseil fédéral, en appliquant une sélection de mesures de tiers externes à la Confédération, qui fournissent une contribution à la réalisation des objectifs de la stratégie. Grâce au concept d’économie circulaire, les acteurs et actrices de l’économie de la construction peuvent unir leurs forces et trouver des solutions optimales en recourant à la collaboration.

Un concept convaincant

Le bois, le BIM et le développement durable forment un concept convaincant pour édifier de bons bâtiments. La pensée à court terme centrée sur les couts doit céder la place à une approche à long terme axée sur la qualité. Le secteur de la construction, en la matière, dispose du levier le plus important, puisqu’il est responsable de 40 % des émissions de CO2. Il faut construire pour les générations futures, et l’action doit être dirigée par le principe « du berceau au berceau ». 

Les messages sont simples et compréhensibles :

  • Il est sensiblement plus simple de construire des maisons durables que de restreindre les gens dans leur mobilité.
  • Il est sensiblement plus simple d’utiliser des matériaux de construction écologiques et renouvelables que de restreindre la consommation de viande.
  • Il est sensiblement plus simple de végétaliser des façades que de recourir à des technologies consommant de l’énergie pour refroidir les bâtiments, purifier l’air et assurer l’isolation acoustique.

Des matériaux renouvelables utilisés plusieurs fois

Parmi les matériaux de construction renouvelables, le bois joue les premiers rôles, puisque 31 % de la superficie de la Suisse sont constitués de surfaces boisées. Or la forêt assume des fonctions dans les trois piliers de la durabilité : les dimensions sociale, écologique et économique du développement durable doivent être réunies dans le cadre des activités sylvicoles. Le parc de bâtiments suisse est constitué de 3,2 milliards de tonnes de matériaux essentiellement minéraux : il ne s’agit certes pas de biens renouvelables, mais on peut les considérer comme les plus importantes ressources indigènes. Par le passé, les anciens édifices ont toujours servi de sources de matériaux pour de nouveaux ouvrages. Ce « processus de revitalisation » n’a pas que des avantages, puisqu’il a fait disparaitre certains édifices de notre patrimoine. Mais sur le principe, la réutilisation des matériaux de construction est particulièrement judicieuse, qu’il s’agisse d’éléments minéraux, métalliques ou organiques. Ce qui importe, c’est que l’on puisse séparer correctement les divers types et que la déclaration d’origine soit conservée. Dans ce domaine, la technologie de la chaine de blocs peut nous aider à garantir des filières d’approvisionnement durables et transparentes grâce à la RFID[1]  et au GTIN[2].

 

[1] RFID : Radio-frequency identification : émetteur/récepteur permettant d’identifier et de localiser des objets sans contact [2] GTIN : Global Trade Item Number : clé d’identification univoque des produits dans une chaine commerciale ouverte.

La chaine de blocs et la RFID pour contrôler les flux de matériaux

Les consommateurs et consommatrices demandent des données fiables, afin de pouvoir faire des choix éthiques. Cela signifie que les chaines de processus doivent être réfléchies dans le détail, de l’extraction ou de la récolte à la séparation, à la démolition ou à la revitalisation, en passant par le transport, la transformation, la préfabrication et le montage. La technologie de la chaine de blocs soutient cette approche en consignant toutes ces transactions dans leur ordre chronologique et en les enregistrant dans une base de données publique distribuée. L’étiquette RFID peut servir de transpondeur, il existe déjà beaucoup d’applications de ce type dans le bâtiment. Pour la formation, ces nouvelles exigences définissent une mission.

La numérisation dans la formation

La stratégie du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) attribue – pour le développement, l’application et l’utilisation des nouvelles technologies – un rôle central à l’innovation, à la recherche et à la formation. L’approche pédagogique correspondante repose sur trois piliers :

  • interdisciplinarité : implique des curriculums variés et flexibles, des processus d’apprentissage soutenus et accompagnés, des classes inversées et de l’apprentissage hybride ;
  • compétences futures : concerne l’ancrage et l’encouragement intégré des compétences futures ;
  • mise en réseau : fait référence à la culture du partage de connaissances et de savoir-faire, ainsi qu’à la création de liens entre l’enseignement et la recherche.

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Thomas Rohner
Professeur de construction bois et BIM, BFH