
« Les interfaces présentent un potentiel considérable »
Jolanda Jenzer Althaus dirige l’Institut du développement urbain et de l’infrastructure ISI à la Haute école spécialisée bernoise BFH depuis aout 2021. Elle souhaite faciliter davantage les projets interdisciplinaires, mais nous parle aussi de ses idées concernant la protection contre les crues.
Quelle est votre vision pour l’ISI ?
Notre institut regroupe trois domaines de compétences : géotechnique et phénomènes naturels, infrastructure de transport, ainsi que développement urbain (Dencity). Le champ thématique est donc très large. Dans un domaine, nous souhaitons par exemple comprendre ce qui est important lorsqu’on revitalise des cours d’eau. Dans un second domaine, nous cherchons notamment à savoir comment économiser des ressources et de l’énergie dans la construction de routes en misant sur des matériaux améliorés. Et dans le troisième, nous déterminons – entre autres – comment aménager les zones bâties pour éviter les ilots de chaleur. Les interfaces entre les diverses problématiques recèlent un potentiel considérable. Je souhaiterais que l’institut réfléchisse dorénavant de manière encore plus interdisciplinaire : c’est ainsi que de nouveaux projets passionnants voient le jour et que les grands thèmes auxquels est confrontée notre société peuvent être abordés, par exemple le changement climatique ou la biodiversité. Pour cela, je veux collaborer étroitement avec les responsables des domaines de compétences. L’institut emploie environ 30 personnes : pour que de nouvelles idées germent, chacune et chacun doit garder à l’esprit les projets menés par ses collègues.
Votre projet de recherche actuel traite des laves torrentielles : quel est son but ?
Nous élaborons une stratégie de prévention dans un vallon de la partie supérieure de l’Emmental. Plusieurs laves torrentielles s’y sont déjà écoulées, qui n’ont heureusement pas fait de dégâts. Le problème, c’est qu’elles peuvent glisser jusque dans l’Emme et y déposer leur matériel. Si son débit est élevé à ce moment-là, la rivière pourrait déborder et inonder les environs. Nous souhaitons donc découvrir quelle méthode permettrait de prévenir ce phénomène, raison pour laquelle nous avons construit à Berthoud une installation expérimentale réaliste de 10 mètres de long pour 4,5 mètres de large, à l’échelle 1:30. Une lave torrentielle s’affaiblit dans trois situations : lorsqu’elle perd de l’eau, lorsqu’elle s’élargit et lorsque sa pente diminue. Une méthode largement utilisée consiste à construire des barrages spécifiques. Dans ce cas précis, notre mandant ne veut pas de cette solution, pour des motifs liés au paysage, au tourisme et aux techniques d’entretien de ces ouvrages. Nous cherchons maintenant à déterminer ce qui se passerait si nous incitions le torrent à s’élargir.
L’été 2021 a été marqué par d’importantes inondations. Comment peut-on encore améliorer la prévention ?
De manière générale, la Suisse est sur la bonne voie. On s’est affranchi de la conception qui prévalait encore au siècle dernier, consistant à construire de grandes digues des deux côtés des cours d’eau. On ne vise plus le risque zéro. De nombreuses mesures ont déjà prouvé leur efficacité, mais des efforts restent nécessaires dans le domaine de la rétention : autrefois, des forêts s’étendaient le long des rivières et torrents, elles offraient une bonne protection. Des reboisements offriraient à la fois davantage d’ombre et plus de refroidissement par évaporation, ce qui atténuerait un peu les phases de chaleur extrême. De nos jours, les constructions et l’asphalte imperméabilisent trop de surfaces de sol. On pourrait par exemple utiliser des matériaux de construction plus poreux, de manière que le terrain puisse mieux absorber l’eau.
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