
Pour du bois résistant mieux au feu et à la lumière
Les façades en bois sont à la mode. Or le bois peut prendre feu, il devient gris à la lumière et des champignons peuvent l’affaiblir. À la BFH, Thomas Volkmer et Hanspeter Kolb recherchent – avec succès – des solutions permettant de rendre le bois plus résistant au feu et à la lumière. De nouvelles applications pratiques voient ainsi le jour.
spirit biel/bienne: Dans votre travail, vous vous occupez tous deux de bois tous les jours. Qu’est-ce que vous y associez de manière très spontanée?
Hanspeter Kolb: Le bois brule, et ce fait a été déterminant dans l’évolution de l’homme. Il s’agit malgré tout d’un très bon matériau, qui offre la sécurité requise lorsqu’il est utilisé correctement. Un local qui en est revêtu sent fortement le bois. C’est une ressource naturelle qui croît en Suisse.
Thomas Volkmer: Le caractère naturel, c’est aussi cela qui me vient en premier à l’esprit. C’est ce qui provoque chez moi un agréable sentiment de bienêtre lorsque je suis entouré de bois.
Quelles propriétés concrètes distinguent le bois dans la pratique?
Volkmer: Le bois est à la fois très léger et extrêmement solide. Ses points faibles sont toutefois son comportement en cas d’incendie, ainsi que sa dégradation par les champignons, le rayonnement solaire, l’eau, le vent et la pluie. Ces désavantages peuvent toutefois être maitrisés grâce à un traitement approprié. Le bois s’en tire bien par rapport à d’autres matériaux. Si l’on nettoyait chaque année les façades en bois comme on le fait pour les façades en verre, elles resteraient aussi belles plus longtemps.
Kolb: Le bois est un matériau vivant. Il absorbe l’humidité et la restitue dans l’air. Une autre propriété est qu’il se comporte de manière prévisible en cas d’incendie. Lorsque le bois brule, une couche de charbon se forme, qui est très isolante et retarde le transport de la chaleur vers l’intérieur. On peut donc calculer précisément la résistance au feu d’une construction en bois. À titre de comparaison, l’acier ne brule pas, mais il perd sa rigidité à 500 ou 600 degrés et doit donc être protégé du feu.
Monsieur Kolb, le 16 mai dernier, lors de la Journée de la construction bois de la BFH à Bienne, vous avez présenté les exigences et dispositions applicables aux façades en bois. Quelles sont les prescriptions légales en la matière?
Kolb: En ce qui concerne la construction ou la résistance, il existe des normes SIA et diverses aides à la planification, notamment pour ce qui est de la distance par rapport au sol ou de la ventilation des façades. En matière de protection incendie, il existe des exigences légales. Un des objectifs de protection, par exemple, prescrit qu’un incendie ne doit pas pouvoir se propager à plus de deux étages avant que les pompiers démarrent leurs travaux d’extinction. En outre, la façade en bois d’un bâtiment de plus de trois étages ou onze mètres de haut droit rester entièrement accessible aux services du feu. Pour les édifices de plus de 30 mètres de haut, il n’est plus permis en Suisse d’utiliser des matériaux combustibles en façade.
Monsieur Volkmer, vous êtes un spécialiste de la modification du bois. Comment peut-on traiter le bois pour améliorer la protection contre l’incendie?
Volkmer: Il existe par exemple des vernis qui moussent et forment une couche isolante en cas d’incendie, de sorte que le feu ne peut pas s’étendre. Ou des peintures au silicate, à base de silicium, qui ne brule pas. Il est toutefois plus efficace d’imprégner le bois de manière appropriée: on y fait pénétrer des sels qui forment rapidement une couche de charbon de bois en cas d’incendie, ce qui arrête le feu. Il faut comprendre que ce n’est pas la combustibilité du bois que l’on peut généralement influencer, mais son comportement en cas d’incendie. Et comme c’est principalement la fumée qui met les personnes en danger, on essaye en particulier d’atténuer sa formation.
L’Institut des matériaux et de la technologie du bois IWH a développé un processus de «minéralisation». Comment en êtes-vous arrivés là?
Volkmer: C’est une idée déjà ancienne. Nous voulions rendre le bois résistant aux champignons, mais sans le traiter avec des produits biocides. Nous avons pris pour modèle le bois pétrifié, qui est extrêmement solide. Nous souhaitions raccourcir le processus de pétrification, qui dure des millions d’années, grâce à un procédé technique. Lors de la minéralisation, nous faisons pénétrer par pression des sels dans le bois. Comme ces substances minérales ne brulent pas, l’incendie se propage moins rapidement. Le procédé améliore aussi la résistance aux champignons et à la lumière. Nous l’avons testé sur des essences indigènes, puis l’avons fait breveter. Les bois de hêtre, de pin et de sapin se prêtent bien à cette méthode.
Dans ce contexte, avez-vous coopéré avec les expert-e-s de la protection incendie à la BFH?
Volkmer: Oui, nous échangeons sans cesse avec nos collègues. Mes thèmes de travail sont le traitement des surfaces et la modification du bois. Nous veillons à ce que les matériaux brulent moins rapidement. L’équipe constituée autour de Hanspeter Kolb s’occupe de la protection incendie des ouvrages: il s’agit des composants, des modes de construction et des concepts qui protègent l’ensemble d’un objet.
Les nouveaux matériaux induisent aussi de nouvelles possibilités d’utilisation du bois.
Kolb: Oui. Je reçois de nombreuses demandes d’architectes qui aimeraient employer du bois comme matériau de construction et recherchent des solutions. À l’intérieur des locaux, c’est autorisé presque partout, sauf dans les issues de secours. Mais le bois dont le comportement en cas d’incendie a été modifié pourrait très bien être utilisé dans les issues de secours pour revêtir les parois ou les plafonds. Un hôtel orienté «wellness», par exemple, pourrait orner ses issues de secours avec du bois faiblement combustible
La recherche propose-t-elle aussi de nouvelles approches dans ce domaine?
Volkmer: Nous travaillons actuellement sur un projet avec les entreprises Imprägnierwerk Willisau et Bauwerk Parkett AG. Il s’agit de modifier des lamelles de parquet afin d’améliorer leur résistance à l’incendie. Actuellement, près de 95% de l’assortiment de parquets est fabriqué en chêne. Selon la norme DIN EN 13501-1, les parquets usuels sont considérés comme «normalement inflammables». Il est peu probable que les parquets de chêne soient un jour classés dans la catégorie «ininflammable», mais pour une application notamment dans le domaine des objets, cela constituerait déjà un saut qualitatif si la norme en question pouvait les considérer comme «difficilement inflammables». Ce matériau aurait ainsi la chance d’être autorisé dans le domaine public à l’échelle européenne. Avec notre procédé de minéralisation, nous sommes en bonne voie d’atteindre cet objectif.
Une autre caractéristique du bois est qu’il grisonne avec le temps. Le procédé de minéralisation mis au point à la BFH procure-t-il aussi des avantages de ce point de vue?
Volkmer: De nombreuses personnes souhaiteraient des façades en bois qui gardent leur aspect initial naturel et frais le plus longtemps possible. Cette question ne constituait pas un thème de recherche direct pour le procédé de minéralisation. Nous avons toutefois traité des échantillons en ce sens et les résultats intermédiaires montrent que la minéralisation modifie aussi le vieillissement de la surface du bois: les façades minéralisées restent nettement plus claires que celles dont le bois n’a pas été traité. Mais il existe aussi une autre solution: une grande partie des façades en bois non traité peuvent être simplement nettoyées à l’eau ou à la vapeur. Le travail et le matériel requis demeurent restreints et la façade a ensuite l’air pratiquement neuve. Nous l’avons démontré sur le bâtiment en bois du département AHB de la BFH à Bienne.
Le grisonnement des façades peut aussi être voulu.
Kolb: Oui, cela fait partie du caractère du bois. Cependant, seule une minorité des maitres d’ouvrage et des architectes recherchent cet effet et l’apprécient. La plupart d’entre eux espèrent une solution qui retarde cette évolution. Nettoyer à l’eau les façades non traitées constitue une possibilité satisfaisante, mais elle ne s’est pas encore imposée dans la pratique.
Malgré tout, la construction en bois est en vogue.
Kolb: Autrefois, lorsqu’on voulait édifier un bâtiment en bois, il fallait des concepts particuliers, c’était compliqué. Aujourd’hui, il est possible de bâtir une école avec un concept standard. Dans le domaine de la construction, la tendance aux produits naturels est clairement perceptible. Cela a aussi engendré de nouvelles offres de formation continue en matière de protection incendie.
Volkmer: Un nombre croissant d’entreprises souhaitent remplacer les matières plastiques par des substances naturelles. L’évolution sociale et politique joue un rôle dans ce contexte. Le bois est actuellement le seul matériau de construction qui puisse stocker du CO2. L’emploi d’un mètre cube de bois lie environ deux tonnes de CO2.