Un modèle pour simuler l’avenir du photovoltaïque

Lorsqu’on développe des modèles d’affaires de type circulaire pour le secteur photovoltaïque, de nombreux facteurs doivent être pris en compte. La Haute école spécialisée bernoise BFH simule les relations entre ceux-ci sur ordinateur pour mieux comprendre leurs interactions complexes.

Financé par l’Union européenne (UE), le projet de recherche et d’innovation CIRCUSOL a pour but de mettre au point des modèles d’affaires durables et en grande partie circulaires pour l’industrie photovoltaïque. Or de tels modèles ne peuvent fonctionner que si l’on sait comment les flux de matériaux et d’informations influencent l’accueil réservé au photovoltaïque (PV) et aux batteries à lithium-ion (LIB), et donc aussi leur diffusion. Une équipe de la division Ingénierie de gestion de la Haute école spécialisée bernoise (BFH) a reçu pour mandat de modéliser cette dynamique sur ordinateur.

Fondé sur la méthode de la dynamique des systèmes, le modèle mis au point simule l’écosystème requis pour la réutilisation de modules PV et de batteries durant la période allant de 2000 à 2050. L’interaction entre les facteurs techniques, financiers, économiques, écologiques et règlementaires s’avère complexe. Il est difficile aux responsables politiques et industriels d’évaluer les effets de comportement non linéaire sur de longues périodes, ainsi que les effets d’accumulation, les relations de cause à effet retardées ou les retours d’informations. La modélisation doit les y aider.

Tous les paramètres dans un modèle

Le modèle de simulation est structuré en plusieurs secteurs :

  • Le secteur des décisions recouvre des facteurs financiers ou non qui ont leur importance pour la clientèle finale lorsqu’elle fait ses choix. Il s’agit par exemple du prix des modules PV, des autres couts d’une installation (en fonction de la surface ou non), des frais d’exploitation et d’entretien, ainsi que des taux d’intérêt.
  • Dans le secteur technique sont spécifiés des paramètres importants de l’installation PV et de la batterie à lithium-ion, tels que la puissance du module, le rendement du module et de l’onduleur, le facteur de réduction de charge, la durée de vie moyenne, ainsi que le taux de défaillance. Le modèle est aussi capable de simuler les effets du progrès technologique sur le rendement du module. Il peut montrer comment la hausse de la capacité installée influence les couts, par exemple celui du module. En revanche, il ne prend pas en compte les panneaux PV intégrés au bâtiment, par exemple les matériaux de construction solaires ou les toits, tuiles, fenêtres et façades fabriqués spécialement.
  • Dans le secteur environnemental, l’impact écologique des cycles de vie des modules PV et des batteries à lithium-ion est quantifié sous la forme d’émissions d’équivalents-CO2.
  • Le secteur du cycle de vie du produit saisit la quantité d’unités PV ou de batteries à lithium-ion mises hors service et récoltées, par groupes d’âge. On peut ainsi se faire une idée du nombre d’éléments attribués à la réutilisation.

Les résultats des modélisations sont visualisés dans des cockpits de gestion (voir l’illustration 1).

De plus en plus de toits équipés

Les premiers résultats des modélisations montrent que le taux d’acceptation des systèmes photovoltaïques avec batteries destinés à la consommation propre sur le marché s’explique par la hausse des prix de l’électricité. Même si ces derniers demeuraient constants, mais que l’on supprimait les incitations étatiques ou les tarifs d’injection, la production photovoltaïque destinée à la consommation propre gagnerait des parts de marché considérables en raison de la baisse du prix des installations. Selon le Fraunhofer-Institut für Solare Energiesysteme, le prix des panneaux solaires devrait baisser d’environ 20 % à chaque fois que la production cumulée double. Il en va de même du cout des batteries à lithium-ion dans les véhicules électriques. Après leur première utilisation, celles-ci peuvent être réaffectées à des applications moins exigeantes, par exemple comme accumulateurs d’électricité pour les installations PV privées.

Les modules PV d’occasion sont à la peine

Si la forte progression du nombre d’équipements installés fait tomber les prix, cela peut inciter à changer plus tôt certains produits, induisant une hausse des déchets photovoltaïques. Sur le plan financier, une deuxième utilisation n’est intéressante que si les couts de revient de l’électricité sont alors moins élevés qu’avec de nouveaux modules (ou tout au plus égaux à ceux-ci). Ce n’est toutefois pas encore le cas, comme le montre la simulation. Les frais d’investissement en fonction de la surface, notamment, sont plus élevés pour les modules d’occasion que pour les modules neufs, alors que leur densité énergétique est plus faible. Pour produire autant d’électricité qu’avec une installation neuve, il faut donc monter un plus grand nombre d’anciens modules sur une plus grande surface. Autre problème : malgré la réduction de prix, les modules PV réutilisés peuvent difficilement concurrencer les nouveaux modules beaucoup plus efficaces et donc meilleur marché.

Mettre en évidence les incertitudes

Comme le montrent les simulations, il est difficile de prévoir combien de modules PV seront récupérés à l’avenir pour être réutilisés. Le volume total varie fortement en fonction des hypothèses sur lesquelles se base la modélisation. Parmi les variables à prendre en compte, on peut citer les taux de défaillance, la tranche d’âge dans laquelle un module est le plus approprié pour une réutilisation, les méthodes de réparation des modules PV usagés, ainsi que le taux de récupération. Les modifications apportées à ces paramètres, notamment, exercent un fort effet sur la quantité de modules PV récoltés pour une réutilisation.

L’offre d’éléments réutilisables ne peut de toute façon pas couvrir la demande croissante de modules PV. Les modules d’occasion peuvent donc tout au plus aider à couvrir les pénuries dans certains segments du marché : ils ne vont atténuer que faiblement les besoins de nouveaux modules. Les simulations montrent par ailleurs que les stratégies de l’économie circulaire se concurrencent les unes les autres, par exemple la stratégie visant la réutilisation et celle misant sur une valorisation par recyclage : les recettes perçues par les entreprises de recyclage seront largement reportées si l’on poursuit une stratégie de réutilisation. 

Les simulations informatiques de la BFH illustrent bien comment on peut rendre transparent le fonctionnement du marché sur la voie menant à une production solaire plus durable. Les conclusions tirées sont indispensables pour bien poser les jalons des processus stratégiques des entreprises.

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Dr Maria A. Franco Mosquera
Professeure assistante d’économie circulaire,
Prof. Dr Stefan Grösser
Responsable du domaine Ingénierie de gestion, BFH