
Une approche numérique pour des produits bien réels
Dans le cadre de l’initiative Forêt & Bois 4.0, la BFH s’est alliée à des spécialistes pour développer des instruments qui accélèrent la numérisation de la sylviculture et de l’économie du bois. De premiers résultats ont été obtenus et un nouveau projet est déjà prévu.
Rolf Baumann, responsable de l’Institut de l’économie numérique de la construction et du bois IdBH, BFH
Au cours de la dernière décennie, dans le secteur productif, il n’y a guère eu d’articles ou d’événements spécialisés qui n’aient utilisé le terme «Industrie 4.0». Cette expression a passablement perdu de sa magie depuis lors et nombre de personnes ne souhaitent plus l’entendre tant elle a été utilisée. Pourtant, les principaux défis liés à la transformation numérique sont encore devant nous. Qu’est-ce que cela signifie pour la sylviculture et l’économie du bois?
Un tiers de la surface de la Suisse est boisée, la tendance est même à la hausse. La forêt remplit de nombreuses fonctions et son influence sur le climat est considérable. Le bois constitue une ressource indigène renouvelable qui a l’avantage d’être neutre du point de vue du CO2. Il convient particulièrement bien à une utilisation en cascade dans une économie circulaire. Il bénéficie en outre de la sympathie de la population en raison de ses caractéristiques tactiles, olfactives et esthétiques. Il parvient même à faire le grand écart entre tradition et modernité. Évidemment, le bois a aussi son importance économique: dans 10 000 entreprises, quelque 80 000 personnes génèrent grâce à lui une part de PIB qui est supérieure d’environ un quart à celle de l’agriculture. Qu’est-ce que ce secteur composé essentiellement de PME peut bien faire du concept «Industrie 4.0»? Quel rôle jouent les processus spécifiques aux divers matériaux et produits? Comment cette matière première unique en son genre peut-elle être associée à la transformation numérique? C’est pour répondre à ces questions qu’a été lancée en 2018 l’initiative Forêt & Bois 4.0.
Se concentrer sur le trajet plutôt que sur le but
Alors que la transformation numérique est complexe, qu’elle concerne tous les domaines – de la technologie aux formes de travail en passant par les modèles d’affaires et l’expérience client – et qu’elle évolue de manière exponentielle, comment une haute école spécialisée peut-elle offrir son soutien aux entreprises? L’initiative Forêt & Bois 4.0 a tenté de sensibiliser de manière large tout en visant des résultats concrets:
- Large réseau: Le réseau mis en place par l’équipe de projet de la BFH se compose de 8 associations sectorielles, 60 représentants économiques de pointe issus de tous les domaines de la chaine de création de valeur, ainsi que quinze représentants de la relève (génération née avec le numérique). L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a soutenu le projet financièrement dans le cadre du Plan d’action Bois.
- Expertise intersectorielle: Les entretiens structurés menés avec des spécialistes extérieurs au secteur de la forêt et du bois ont constitué une base de travail importante.
- Priorités liées à la pratique: Dans le cadre d’une procédure en trois étapes, les thèmes provenant des domaines suivants ont été classés par ordre de priorité puis traités en coopération avec l’économie: – technologie et procédés; – produits, services et modèles d’affaires; – travail, structure d’exploitation et structure sectorielle.
- Développement d’outils: De premiers instruments concrets ont été mis au point pour les thèmes les plus urgents, par exemple la Stratégie Check Forêt & Bois 4.0.
- Transfert de connaissances: Les instruments sont présentés dans le cadre de la Conférence Bois 4.0. Des liens actuels avec la pratique sont aussi établis. En raison de la pandémie, la rencontre a été transformée en série d’événements numériques: chaque dernier mercredi du mois, une heure est consacrée à un thème prioritaire. www.bfh.ch/de/aktuell/veranstaltungen/wald-und-holz-40/
Principaux résultats
Avec l’initiative Forêt & Bois 4.0, on a décrit une voie permettant de définir et de mettre en œuvre un instrument concret en partant de chacun des trois domaines thématiques. À la demande des partenaires économiques, il en a même été tiré six instruments. L’instrument Stratégie Check Forêt & bois 4.0 a déjà été réalisé, d’autres instruments sont sur le point d’aboutir. Le projet s’achèvera cet automne.
Les expériences et les observations faites laissent penser que les entreprises des domaines de la forêt et du bois vont évoluer dans l’une des quatre directions suivantes:
- Direction «taille»: Les grandes entreprises ont la possibilité de maitriser la complexité de la transformation numérique et d’établir des standards sur le marché. Elles misent sur le volume et sur les effets liés aux grandes quantités. Le défi et la compétition demeurent toutefois, car il ne peut y avoir qu’un gagnant.
- Direction «niche»: Les marchés de niche ouvrent parfois la voie à des modèles d’affaires très intéressants. Ces entreprises se concentrent sur des prestations spécifiques, font profiter leur clientèle d’une valeur ajoutée indéniable et deviennent leadeur sur leur marché.
- Direction «coopération»: Ce qu’on ne peut maitriser seul peut parfois fonctionner en communauté. Lorsque de petites entreprises collaborent, elles peuvent se muer en prestataires performants et particulièrement flexibles. Divers types et domaines de coopération sont envisageables. La plupart des sociétés devraient privilégier cette direction. C’est aussi ici que l’initiative Forêt & Bois 4.0 peut s’avérer la plus utile.
- Direction «repli»: Cette direction correspond à l’abandon de certaines tâches, à la suite d’un recul insidieux des affaires ou en raison du désengagement délibéré de certaines activités, d’un problème de succession irrésolu ou d’une faillite.

Effets secondaires positifs
À côté de ses résultats déjà publiés ou à publier, l’initiative Forêt & Bois 4.0 a engendré d’autres activités, suscité de nouvelles problématiques et ouvert des manières novatrices d’appréhender certains aspects déjà connus. Des entreprises romandes ont ainsi créé un groupe qui leur permet de suivre des thèmes concernant notamment leur région. C’est réjouissant, car la coopération constitue l’une des recettes envisageables décrites ci-dessus.
Dans le cadre de l’initiative Forêt & Bois 4.0, on a discuté de manière approfondie de l’idée de créer une smart factory: les ressources disponibles dans le cadre de l’initiative ne suffisaient toutefois pas à développer un instrument concret. Dans ce cas également, un groupe d’entreprises s’est constitué afin de rédiger un document de base, qui a été l’un des éléments déclencheurs de l’Atelier du futur. Dans le cadre de celui-ci, on développe des itinéraires visionnaires mais réalistes menant vers un avenir numérique pour les entreprises suisses de transformation du bois. Il s’agit d’un environnement ouvert et neutre, en taille réelle, qui sert aussi bien à l’apprentissage et au développement qu’aux tests et aux démonstrations. Des partenaires issus de la recherche appliquée et de l’économie y adaptent et intègrent de manière exemplaire des technologies, méthodes et concepts nouveaux (voir à ce sujet l’entretien publié dans la présente édition de spirit).
L’initiative Forêt & Bois 4.0 a rencontré un large écho: les demandes d’exposés, d’entretiens et d’articles spécialisés se font de plus en plus fréquentes. L’équipe de recherche de la BFH a pu sensibiliser, informer et mobiliser bien au-delà de l’initiative elle-même. Et elle a ainsi été à son tour sensibilisée, informée et mobilisée. La constatation suivante demeure: nous ne sommes qu’au début du processus. De nombreuses étapes nous attendent encore sur le chemin de la transformation numérique du secteur du bois. C’est dans cette perspective que les chercheuses et chercheurs préparent leur nouveau projet de plateforme Forêt & Bois 4.0.
Informations concernant l’initiative Forêt & Bois 4.0 et les événements qui lui sont liés