
Une interface numérique pour l’impression 3D du béton
La production d’objets en béton en trois dimensions par un procédé d’impression exige un logiciel spécifique pour piloter le robot. La Haute école spécialisée bernoise BFH développe un tel slicer dans le cadre d’une coopération avec un partenaire industriel.
Karl-Heinz Selbmann, responsable de l’Institut de technologie de l’impression, BFH
Depuis quelques années, des procédés d’impression d’un nouveau genre permettent de produire des objets en trois dimensions. Le potentiel des «procédés de fabrication additive» semble presque sans limites. Cette technique rend possible la fabrication de formes complexes en matière plastique, en métal et dans d’autres matériaux – et cela nettement plus rapidement qu’avec les méthodes de production traditionnelles (en particulier pour les pièces uniques ou les petites séries). En dépit de l’enthousiasme suscité, on signalera toutefois que certaines conditions doivent être remplies pour que l’impression 3D puisse être envisagée comme procédé de fabrication. Pratiquement tous les secteurs d’activité essaient actuellement d’en identifier les potentiels. Qu’est-ce qui est possible sur le plan technique? Quels sont les besoins du marché? Et quelle est la rentabilité d’un investissement dans cette nouvelle technologie? Derrière ces questionnements se cache aussi souvent la crainte que l’impression 3D pourrait représenter une nouvelle concurrence pour les procédés de fabrication actuels.
Le béton, un matériau exigeant
L’impression d’objets tridimensionnels en béton pose un défi particulier. Ce matériau présente en effet des propriétés très différentes de celles d’autres composants utilisés pour l’impression en 3D, comme le plastique ou les métaux. Il doit avoir été fraichement préparé et être utilisé dans l’état le plus liquide possible, mais en même temps se solidifier rapidement à la sortie de la buse d’impression, afin de ne pas se déformer lors du dépôt de la couche suivante. Une autre particularité de l’impression en béton réside dans le fait qu’il est difficile d’interrompre le procédé parce que le béton durcit alors rapidement dans l’ouverture de la buse et peut ainsi détruire celle-ci. En raison de cette restriction et d’autres limitations, l’imprimante à béton – un robot industriel muni d’une buse spéciale – doit être pilotée avec un logiciel qui se distingue fortement des slicers usuellement employés pour les imprimantes à métal ou à matières plastiques. Sur mandat de la société Creabeton Matériaux, l’Institut de technologie de l’impression de la BFH développe actuellement un logiciel spécifique pour le béton.

Tâches de calcul dans l’espace virtuel
La tâche du slicer consiste à générer les ordres de déplacement ainsi que d’autres signaux destinés au robot en partant du modèle numérique de l’objet à imprimer. Pour cela, il faut tout d’abord découper virtuellement le modèle en tranches (le terme slicer vient de l’anglais «to slice», qui signifie «couper en tranches»). Chaque couche est composée de divers points qui forment des polygones lorsqu’ils sont reliés dans l’ordre adéquat. Chaque polygone correspond alors à un circuit fermé parcouru par le robot. Plus une couche compte de polygones et plus la surface d’impression s’étend (il peut s’agir par exemple de la paroi d’un récipient). Lorsque tous les polygones d’une couche ont été parcourus, le robot passe à la couche située immédiatement au-dessus. Pour cela, le slicer doit tenir compte de divers paramètres, notamment des propriétés et de la disponibilité du béton, de la géométrie de l’objet et parfois même des conditions environnantes (température, humidité de l’air).

Tester et améliorer
Le logiciel développé par la BFH constitue ainsi l’interface numérique entre le modèle 3D et le robot d’impression. Avec les données CAO du modèle et en tenant compte des caractéristiques du matériau et d’autres paramètres, il planifie le parcours d’impression et envoie les commandes de déplacement au robot. Finalement, seuls des tests permettent de déterminer si le logiciel peut encore être amélioré. Ceux-ci constituent donc un élément central de la coopération entre la BFH et son partenaire industriel. Ils permettent aux scientifiques de la haute école et aux spécialistes du béton de Creabeton Matériaux d’observer ensemble comment les petites modifications apportées au slicer influencent la qualité d’impression. Grâce aux échanges directs, il est possible de procéder rapidement à des améliorations et de mettre en œuvre de nouvelles options.

Une chaine largement numérisée
Creabeton Matériaux a déjà pu fabriquer divers objets pour ses clients à l’aide de l’impression 3D. Le procédé se révèle surtout intéressant pour les pièces uniques ou pour les très petites séries, lorsque la fabrication d’un coffrage accroitrait fortement le prix unitaire. L’impression en béton ne nécessite aucun coffrage et supprime au passage certaines limitations en matière de formes qui découlent de ce procédé. Enfin, l’accélération du processus de production – entièrement numérisé – constitue un grand avantage: les clients établissent un fichier CAO de l’objet souhaité, qui permet au logiciel de produire les commandes destinées à l’imprimante. La procédure d’impression à proprement parler se fait elle aussi automatiquement. Sur l’ensemble de la chaine de production, il ne reste que quelques procédures analogiques, telles que la production du mélange de béton, l’éventuel traitement manuel ultérieur de l’objet imprimé et évidemment le transport de celui-ci vers son lieu de destination. Dans le meilleur des cas, trois jours seulement s’écoulent entre la commande d’une pièce unique et sa livraison.
Un partenariat profitable
Pour les entreprises, il est crucial d’identifier à temps les nouvelles évolutions, de saisir les chances qui se présentent et de se distinguer de la concurrence grâce à des solutions novatrices. À cet effet, elles dépendent souvent du savoir-faire de partenaires de recherche. Grâce à la coopération avec l’Institut de technologie de l’impression de la BFH, Creabeton Matériaux peut réagir rapidement et de manière flexible à l’évolution des exigences et poursuivre le développement de son propre procédé d’impression 3D. De son côté, la BFH a pu mettre en évidence une fois de plus son agilité dans le domaine de la recherche appliquée et du développement. Elle profite en outre des conclusions issues du projet, qui seront intégrées à l’enseignement au sein de la haute école.

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