Végétaliser des façades moyennant une application

Les immeubles d’habitation et de bureaux sont responsables d’un bon tiers des émissions totales de dioxyde de carbone en Suisse. Pour atteindre les objectifs climatiques de Paris, il faudrait réduire ou compenser une partie de ce gaz à effet de serre.

Thomas Rohner, professeur de construction bois et de bâti immobilier modélisé (BIM), BFH

Dr Ulrich Fiedler, professeur d’informatique, BFH

L’application «towards green cities», actuellement en cours de développement à la Haute école spécialisée bernoise BFH, a pour but de montrer comment transformer les façades urbaines en jardins verticaux. À l’aide d’une extension assistée par ordinateur de la perception de la réalité («Augmented Reality»), les urbanistes et les citoyens doivent être sensibilisés aux jardins verticaux du futur.

En quoi les façades végétalisées en zone urbaine vous intéressent-elles?

Le changement climatique, qui avance inexorablement, entraîne de nouveaux défis pour l’espace de vie urbain. Le smog, les particules, la surchauffe estivale, les coûts énergétiques élevés et la pollution sonore réduisent la qualité de l’habitat et de la vie. Les villes densément peuplées n’offrent souvent que peu d’espaces de loisirs et de détente de proximité. L’aménagement d’espaces verts verticaux des maisons ombrage les façades et participe à la régulation thermique de l’air ambiant. Cela peut augmenter la valeur de rues entières. Des études ont démontré que les plantes créent un microclimat agréable et permettent de réduire les poussières fines. À mon avis, la biodiversité contribue de manière significative à l’amélioration de la qualité de vie d’une ville. Quand les papillons dansent devant la fenêtre de l’appartement, c’est magnifique. Si cela devient possible en créant des espaces verts verticaux composés de plantes nectarifères qui nourrissent les papillons, tant mieux. Certes, il s’agit clairement de facteurs «soft» qui ne sont pas vraiment mesurables.

 

Comment cela se fait-il qu’en tant que constructeur de bâtiments en bois, et surtout avec votre expérience dans le domaine des technologies BIM, vous vous intéressiez à ce sujet?

Dans le but de mieux faire comprendre les avantages des façades végétalisées, nous vouons, dans un premier temps, utiliser cette application et mettre en avant la visualisation. La modélisation des informations du bâtiment (BIM) en tant que méthode de construction numérique est la norme émergente dans la construction de bâtiments, le génie civil et la construction d’infrastructures. La «réalité augmentée», c’est-à-dire l’expansion assistée par ordinateur de la perception de la réalité, a pour but de présenter des bâtiments existants avec une végétalisation verticale par le biais d’un smartphone. Rien que de voir votre maison avec une façade végétalisée sur l’écran de votre téléphone portable, vous permet de comprendre à quel point cela peut être beau. Selon la saison, la façade peut aussi changer. Au printemps, elle peut être entièrement recouverte de fleurs, tandis qu’en automne, les feuilles de la façade passent au rouge foncé. 

Cette application nous permet de sensibiliser les résidents, les voisins, les promoteurs, les investisseurs et les autorités aux façades végétalisées et de s’ouvrir à ce thème. Jusqu’à présent, la visualisation de façades végétalisées se révélait toutefois très coûteuse et nécessitait une infrastructure complexe. Ce n’est que dans un deuxième temps que les travaux de recherche réalisés à l’institut portent sur la technologie, c’est-à-dire sur la manière dont ces modules de façade végétalisée peuvent être construits concrètement.

Pourquoi vous focalisez-vous dans un premier temps sur la présentation de la végétalisation?

Il existe déjà de nombreuses applications qui permettent de visualiser des surfaces, par exemple quand il s’agit de choisir un nouveau look pour les façades de cuisine. Or, une façade verte n’est pas aussi fine qu’une couche de peinture, qui sert de base au calcul de ces modèles. Le visage d’une maison change aussi en fonction du type de plantes. Ainsi, en fonction de la structure de la façade, il faut également tenir compte de la hauteur de construction au niveau des fenêtres. L’objectif premier cependant est de visualiser ces façades par le biais de l’application, c’est-à-dire de les «échantillonner». À ce jour, notre expérience avec la réalité augmentée montre toutefois que les images réalistes sont souvent prises pour argent comptant, et par la suite quasiment considérées comme partie intégrante d’un contrat. Seuls des essais sur le terrain nous permettront de vérifier dans quelle mesure ces façades sont accueillies favorablement. C’est sympa de pouvoir se promener dans le quartier avec son téléphone portable et de voir les végétalisations verticales sous forme de réalité augmentée. Reste encore à voir ce qui plaira le mieux aux utilisateurs. Cela fait partie des recherches en cours.

 

L’application fournira-t-elle également des informations sur les avantages environnementaux qui ont un impact sur le microclimat?

L’épaisseur des couches de substrat joue un rôle considérable en ce qui concerne la formation de poussière fine et la réduction de la température. Une épaisseur de substrat de dix centimètres, parfaite pour faire pousser les herbes et les fleurs, est plus efficace qu’une couche de substrat légère à faible épaisseur, plus courante pour les surfaces recouvertes de mousse. L’aspect d’un bâtiment change en fonction de l’épaisseur de la couche de substrat. Si la couche végétalisée sur les murs est trop épaisse, les fenêtres peuvent paraître aussi petites que des meurtrières. Sur le plan de l’acoustique, nous savons clairement que plus la surface est grande plus elle absorbe les sons.

La Haute école spécialisée bernoise possède également la filière Agronomie, la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL. Dès que nous serons en mesure de faire des tests concrets pour déterminer les plantes les plus appropriées, nous créerons les conditions pour une collaboration. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore en mesure de fournir des informations détaillées quant aux taux de particules qui sont liées, ou à quel point la végétalisation permettra de baisser la température dans l’espace routier ou de réduire le bruit. Mais c’est l’un des objectifs du processus BIM et de la

simulation sur le jumeau numérique.

 

Comment les résultats seront-ils évalués et exploités?

Une fois qu’on aura développé l’application l’année prochaine, celle-ci sera diffusée par le biais d’ateliers, notamment dans les cercles d’investisseurs. Ensuite, il nous faudra procéder à une évaluation du travail et on verra bien comment le tout sera accueilli. De cette façon, nous espérons recevoir d’autres projets de recherche.

Application «towards green cities»

Le développement de l’application «towards green cities» est un projet conjoint des deux départements techniques de la Haute école spécialisée bernoise: Architecture, bois et génie civil BFH-AHB ainsi que Technique et informatique BFH-TI. À la BFH-AHB, Thomas Rohner est impliqué avec l’Institut de l’économie numérique de la construction et du bois IdBH, tandis que le Research Institute for Security in the Information Society RISIS d’Ulrich Fiedler, professeur d’informatique, l’est du côté de la BFH-TI.

Informations sur les instituts IdBH et RISIS de la BFH

 

Cet entretien est paru pour la première fois dans Le Magazine de la Documentation suisse du Bâtiment, 2020-3: https://www.batidoc.ch/services/commander-le-magazine